28 mai 2009

"C'est pô croyable, lô, c'tait tellement bô"


Le soufisme est un courant de l'Islam né en Irak qui attribue à chaque concept un aspect extérieur apparent et une réalité intérieure cachée. Le croyant s'élève vers un état d'"ivresse" spirituelle qui lui permette de d'accéder à cette connaissance cachée, parfois en recherchant une forme de transe par la danse. C'est le cas des derviches tourneurs, dont il existe une communauté au Caire.


Soutenus par une musique d'abord lancinante et très répétitive, le danseur tourne lentement puis très rapidement jusqu'à se perdre dans le rythme et le chant, déploie les bras, la main droite dirigée vers le ciel pour y "recueillir la grâce divine" et celle de gauche vers le sol pour l'y répandre.


On s'y rend avec Anne, qui bosse avec Pauline à l'UNIFEM (le fond de l'ONU pour la femme), et son colloc Louis-Charles, un étudiant en médecine à McGill venu travailler avec des réfugiés africains au Caire, qui sont maintenant les nouveaux voisins canadiens de Pauline et Raph. Contrairement aux images connues des communautés de derviches tourneurs turques, si les derviches cairotes commencent habillés de vêtements très simples en coton blanc, bientôt s'ajoutent des robes aux couleurs chamarrées, et nos yeux se perdent dans les illusions d'optiques colorées de leurs parures tournant dans une lumière bleutée...

24 mai 2009

"Bienvenue dans ta deuxième patrie: l'Egypte!"


Le voyage de Louxor à Assouan, une fois passé le périple en train depuis Le Caire, doit se faire différemment selon que le voyageur est Égyptien, ressortissant d'un pays arabe, ou simple étranger... A chacun une Egypte donc, mais celle des touristes européens ne donne pas vraiment envie.

Chaque jour, parqués dans leurs bus bien frais, des convois remplis d'occidentaux à peine vêtus et rosis par le soleil sont promenés d'un temple à l'autre, d'un faux souk à un restaurant traditionnel (mais climatisé), sous la protection de l'omniprésente Police du Tourisme. Ils rentreront chez eux les yeux pleins d'étoiles pharaoniques mais auront contribué pour la plupart à éduquer toute une population à l'idée que le touriste occidental est une chose fragile protégée partout et peut donc être considéré comme un portefeuille ambulant.

Le plus dommage, c'est qu'au détour d'un chemin de campagne, loin des autoroutes rutilantes construites par le régime, l'acceuil est d'une simplicité et d'une gentillesse déroutante. Pas question donc de nous plier aux règles du tourisme de masse.

Partis de Louxor à l'aube, nous commencons par traverser un souk populaire où des gamins dépècent des carcasses au milieu des poubelles et du trafic. Un peu perdus, nous rencontrons deux ingénieurs cairotes qui nous invitent et nous emmènent en taxi collectif à la recherche d'un minibus de travailleurs en partance pour la ville d'Edfu (et de son temple pas loin) puis de Kom Ombo.

Au premier contrôle de police, Raphaël explique dans un arabe presque parfait et sans accent que nous sommes des français aux racines algériennes qui apprennent l'arabe au consulat français du Caire tandis que j'acquiesce dans un arabe balbutiant. Cette histoire savamment élaborée nous permet de voyager aux mêmes conditions que les locaux, puisque nous sommes supposés être arabes. Un peu de barbe, et mes cheveux bouclés achèvent d'ouvrir les multiples barrages sur la route. A l'un d'eux, le flic se fend d'un sourire affable, à la grande surprise des autres voyageurs du minibus, et nous déclare sans plus de chichis: "Bienvenue dans ta deuxième patrie, l'Egypte! Le peuple arabe est uni".


A vélo, en rickshaw, en minibus et parfois à pied, nous avons donc peu à peu descendu le Nil jusqu'à la Nubie, en ne croisant que quelques occidentaux dans des temples souvent déserts (chaleur oblige), fraternisant un peu avec les flics (il faut), souvent aidés par une population très accueillante, trop heureuse de trouver des touristes arabisant (je m'adapte), respectueux des normes vestimentaires (je mets des foulards), et intéressés aussi par d'autre choses que des fresques antiques (très impressionnantes).


Avec notre budget temple bien réduit puisque l'Egypte favorise les ressortissant arabes en cassant les prix des entrées, notre budget voyage quasi-nul puisqu'adapté au salaire local, nous sautons dans un train première classe pour rentrer au Caire en 14h de trajet. Cette fois c'est un train presque moderne, plus de poules, de chèvres et de jeux de tetris permettant aux femmes du wagon de ne pas avoir à côtoyer un homme inconnu... On s'endort tout seuls dans un wagon vide...

17 mai 2009

"Dive Now Work Later"


Dahab, ton univers impitoyaaaaableuuuu!


Bienvenue en Egypte, où chaque voyage est une aventure pour le backpacker intempestif qui s'imagine éviter les circuits balisés pour touristes. Sur la route du Caire vers Dahab vous passerez plus ou moins rapidement 6 checkpoints selon l'humeur du chef de la police locale qui vérifiera les passeports et visas du bus ou pas. Pour votre agrément, après l'heure de cassette coranique, un grand film tout droit sorti du bollywood local vous maintiendra éveillé, et vous profiterez d'un air frais (13°C) malgré la fournaise du dehors. Mais alors, quand enfin apparaîtront les rives de la mer Rouge, quand enfin naîtra à l'horizon la pointe des mosquées de Dahab, alors il sera temps de découvrir un ancien village bédouin devenu station rendez-vous des plongeurs du Sinai. Une oasis loin des pressions islamistes, un peu vide en cette année peu propice au tourisme européen ou israélien, où sortir enfin débardeurs et maillots de bains!


Une nuit blanche n'étant jamais mieux suivie que par une autre, nous nous sommes attelés à l'escalade du Mont Ste-Catherine qui surplombe le très fameux Mont Moïse, aux petites heures du matin. Emmitouflés sous des couvertures (très vétustes) en peau de chameau, nous atteignons enfin le sommet pour profiter d'un lever de soleil sur les crêtes embrumées avant de redescendre 3000 marches géantes vers le monastère Ste-Catherine où subsiste la plus vieille communauté monacale chrétienne sous la houlette d'un supérieur appelé... le "despote"!



Et voilà, le meilleur de Dahab étant quand même que l'activité y reste réduite en dehors de nos escapades d'alpinisme nocturne. On y dort sur la plage, déguste des jus de mangues sur des terrasses bédouines au dessus de l'eau, et admire les coraux sous un soleil de plomb. Trop dur la vie...

13 mai 2009

"Welcome to Oum El Dounia, la mère du monde"


Le Caire!

Au terme d'un mini-périple en avion à travers la sécurité israélienne puis égyptienne, j'ai enfin retrouvé Raph à l'aéroport! Coincés dans un vieux taxi, bercés par une cassette du Coran, à travers les embouteillages endémiques, l'odeur brûlante de la pollution prend immédiatement à la gorge alors que nous traversons Héliopolis et Nasr City pour nous enfoncer au coeur du Caire moderne. Les premières impressions nocturnes et fugitives sont celles d'une ville qui me semble à la fois familière par l'ambiance et complètement étrangère à nos conceptions occidentales.

Les lumières du trafic routier éclairent sans signification aucune une circulation chaotique que considèrent d'un air nonchalant des policiers égyptiens tout-puissants engoncés dans leurs costumes blancs. La ville est sale, des enfants mendient dans les rues parfois jonchées d'ordures au soleil, les magasins ne ferment jamais, mais finalement ça n'est pas Bombay non plus. Raph et ses copains ont adopté un langage codé qui donne parfois des annonces assez farfelues. On ne dit pas "Netanyahu rencontre Mubarak à Sharm-El-Sheik" mais "il parait que le ministre du petit pays méchant rencontre le président dans une ville de charme", en public la prudence est de mise.

Les deux derniers jours, durant lesquels je croisais aussi ma maman chez Raph, se sont passés de terrasses en cafés cairotes, de jus de mangue en thés aux clous de giroffle, d'échoppes du souk en banquettes de felouque sur le Nil...


Le voyage commence vraiment demain, par un weekend à Dahab. Départ prévu de la gare centrale en bus à minuit demain, arrivée sur la plage vendredi matin, ascension du Mont Moise de nuit, visite du monastère Ste-Catherine samedi, plongée, et retour au Caire au début de la semaine prochaine. Tout un programme...

10 mai 2009

"Ahhh celle-là, elle est israélienne déjà..."


Les administrations ont repris ce matin dimanche, premier jour de la semaine en Israel, où tout ferme pour 24h au son de la sirène du vendredi soir qui annonce le début du shabbat. Les bus s'arrêtent, les cafés se vident, le traffic diminue voire même s'arrête complètement dans certains quartiers, pour ne reprendre que samedi soir.

J'ai enfin fini par comprendre le fonctionnement du Misrad Ha-Pnim: il faut s'énerver, mais pas trop. Juste assez pour leur montrer que je ne suis pas une petite immigrante perdue dans leur folklorique magma administratif. Après deux minutes de logorrhée énergique en hébreu, mes interlocutrices s'entre-regardent, interloquées, avant de se rassurer: "ah, mais celle-là, elle est déja israélienne en fait"... Victoire! A moi les joies du Bitouach Leoumi (la sécu) maintenant!

Je m'envole demain pour Le Caire, aprés avoir abandonné mes plans fous de voyages en bus vers l'Egypte, prochaine update depuis un café internet avec vue sur les pyramides!

7 mai 2009

"Reviens dimanche, peut-etre que ca marchera"



Dans Jerusalem, il y a des drapeaux jaunes et blancs partout, frappés de deux clés. Rings a bell? C'est le drapeau du Vatican.

Le pape arrive demain, et du coup la ville est complètement bloquée. Apparement le Shin-Bet préconise d'éviter la papomobile, jugée trop exposée, mais l'occasion photo est trop belle pour s'en priver...

Reveil aux aurores, donc. Deux conseils et trois minutes plus tard, commence mon premier jour de démarches administratives! La mission de la journée est d'obtenir la carte d'identité, ou "téoudat zéout", pour pouvoir poursuivre toutes les démarches, me régulariser avec l'armée, ouvrir un compte... Première étape, une visite au "Misrad Ha-Pnim", le ministère de l'interieur.

Premier essai à 7 heures. Je me fais jeter par une fonctionnaire butée qui n'accepte pas le certificat de judaicité (si, ca existe) délivré à Paris. Elle n'imagine pas qu'il existe un tribunal Bet-Din en France... Comme j'ai un zeste de diplomatie je me retiens de lui rappeller qu'avant meme d'imaginer avoir un État, les Juifs francais possédaient leurs tribunaux sous Napoléon! Bref, il lui faut un papier spécial de l'Agence Juive, et je panique...

À tort cependant car trois heures plus tard, je brave de nouveau la queue, mon certificat en main, et la note d'explication demandée avec! Mais, de nouveau, problème. Il faut attendre 8h que mon entrée apparaisse dans son système, je ne peux revenir que cet apres-midi. Peut-être.

Sans me décourager j'y retourne, l'ascenseur ne marche plus, c'est l'émeute en bas des escaliers. Je prète l'oreille et je découvre effarée que tout le batiment s'arrête, pour cause de panne informatique généralisée. Il faut revenir. Mais pas demain. Et aprés, c'est shabbat. "Dimanche, peut-etre que ca marchera". Peut-être.

Ah, ca y est, j'y suis. Je retrouve la douce ironie de cette administration désorganisée et pourtant redoutablement efficace à ses heures. Je reprends mes marques, je retrouve mon chemin dans la ville, les réflexes du bus, je retrouve la langue.

Je retrouve les copains aussi, le plus important, et le reste finira bien par se régler...

6 mai 2009

Je vous écris de Jerusalem!


Ca y est j'y suis!

Les préparatifs se sont bousculés, j'ai embarqué une douzaine de bouquins, de la crème solaire et une tente décathlon. Je me retrouve enfin quelques heures plus tard à l'aéroport de Tel Aviv. Le moment tant attendu. Ca y est, j'y suis, en Israel, dans mon petit pays certes si compliqué.

C'est la nuit, il faut faire les premiers papiers dans l'ancien terminal de l'aéroport, qui ne sert plus qu'à l'administration et l'armée. C'est ouvert tout le temps, on s'y rend en bus. Un bus presque vide pour les immigrants. En Israel, la première langue que j'entends, c'est le russe! L'ambiance est surréaliste, des fonctionnaires originaires d'ex-URSS nous allument la lumière dans le grand hall vide. Les gamins s'égaillent et jouent sur les anciens tapis de bagages, arrêtés depuis trop longtemps. L'horloge tourne. Les adultes s'extasient sur les nouvelles carte d'identification qui leurs sont remises. La mienne est différente, je suis la seule déja citoyenne. Ca y est, j'y suis...

Ma carte en main je sors respirer. L'odeur du bitume chaud et humide me happe, suivi par les émanations suaves du lilas en fleurs. Au loin les lueurs d'une ville. Sur le chemin vers Jerusalem, je retrouve le folklore des taxis israéliens, la voix de la radio, les panneaux routiers, les pierres blanches, les collines devenues familières déjà.

Ca y est, j'y suis, à Jerusalem. Juste a temps pour jeter mes valises et dormir 3 heures avant de me précipiter au ministère de l'interieur demain à 7h...